Shake your ass !

Année: 2004
Album: Donna – Les amants de Poncey [2004]
Auteur: Olivier Larvor
Résumé: Où l’on apprend que je faisais mon Travolta sur les pistes de danse.

Si vous voulez savoir quand ça s’est cassé la gueule, c’est là, en 2004.
Remarquez, on aurait pu tout aussi bien dire : « Dès le début »
Putain, j’espère que vous avez compris que cette constante dévalorisation dans tous mes écrits n’est qu’une mascarade, une manœuvre pour nous attirer la sympathie du plus grand nombre.
Et aucun doute, ça marche du feu de dieu !
J’en devine certains tous attendris.
Ca s’est donc cassé la gueule.
D’abord, il n’y a qu’à voir le trou béant dans notre discographie.
Après 2004, zéro, plus rien !

En 2004, je n’en avais plus rien à foutre de la musique.
Tiens, voilà autre chose.
Ouais.
Non, ce qui m’obnubilait c’était sortir en boite de nuit et danser comme un couillon, raide comme un piquet, hypnotisé par les mouvements sur-réels d’hanches féminines et par les décolletés pigeonnants.
Hello bitches !
Ah ça, je vous casse le mythe de l’artiste torturé en moins de deux.

Je traînais le plus souvent avec Stéphane, un collègue de travail de quatre ans mon aîné à la maturité d’un gamin que l’on aurait qualifié « d’un peu lent ».
Stéphane faisait partie du top 3 des mecs les plus « hot » de l’entreprise.
Une liste conçue par des pétasses irlandaises n’ayant rien d’autre à foutre de leur journée.
Une liste qui avait ouvert les yeux à beaucoup d’ailleurs.
Inutile de dire que mon nom n’y figurait pas.
Grosse surprise, dites donc.

Stéphane avait un sens de l’humour vraiment déroutant.
Il était capable de maquiller sa voix et imiter nos managers, sortir dix conneries à la minute, se lancer dans des improvisations verbales genre Benoît Poelvoorde période pré-alcoolique.
On se pissait dessus de rire.
Stéphane voulait être musicien (il possédait une honnête Gibson SG), ou bien acteur, ou bien danseur, ou bien comique.
Bref, une activité artistique le plaçant au centre de toutes les attentions.
Une bien vaine espérance car beaucoup trop vieux et sans véritable talent.
Aussi doué qu’une pelle rouillée jetée en bord de route.
Inutile.
Je le savais bien, mais j’aimais entretenir ses illusions car pour le coup, il me servait beaucoup dans mon addiction.

Parce que oui, j’étais un vrai drogué.
Je peux le dire.
Terrible.

Stephane, c’était mon wing-man.
Le plus souvent, je me pointais en Club avec lui.
A deux.
Le minimum.
La solitude est difficile à justifier dans ce genre d’environnement et possède un pouvoir repoussant manifeste.
Bon, je viens de vous faire l’intellectualisation de « la main au fesse », cool hein ?
Des fois aussi, on s’emmenait en meute aux nationalités variées, des Nigérians pour la plupart.
Et là, c’était un putain de bordel.
Croyez-le si vous le voulez, j’étais populaire.
Un vrai con.

The Savoy, Club One, The Cubins ou The Readens, voilà les lieux qui nous accueillaient tous les vendredis, samedis, voire même le dimanche soir.
Ouais, sérieusement barrés.
J’étais dans un état de dépendance incontrôlable pour ces boîtes de nuit.
Sérieusement.
Je trépignais pour qu’enfin les portes s’ouvrent (à 23H) et que je puisse me trémousser de façon maladroite.

Ne pas sortir m’étais devenu impossible.
J’avais un besoin physique de me rendre sur ces lieux : en plus des opportunités fréquentes pour tripoter, fourrer sa langue et baiser, s’ajoutait l’euphorie de la communion de masse s’apparentant à une sublime orgie.
Un vrai malade.

Mon substitut marchait du tonnerre !
Je n’avais plus besoin de la musique.
Plus rien à foutre de ce machin.
J’étais heureux.
Je peux vous le dire maintenant, parce que c’est exactement ce que j’ai pensé, ce fameux dimanche, le 14 mars 2004, au lendemain d’une sortie, je me suis dit : « Il faudra que tu t’en souviennes, tu n’as jamais été aussi heureux de ta vie ».
Tout me semblait facile et apaisé.
Évidemment, j’avais choppé la veille.

Alors, j’ai écrit à Fred.
Je ne l’avais pas contacté depuis des mois.
Je le lui ai confié ma nouvelle passion, aussi ridicule que ça pouvait sembler.
J’ai prétexté aussi le besoin de rupture dans nos productions et la nécessité d’apporter d’autres couleurs musicales.
« Pourquoi que tu ne ponds pas le suivant, hein ? ».
Tout ça pour ça, pour qu’il s’approprie la composition du prochain album.
Pour ce que j’en avais à battre de toute façon.
Encore une fois, je fuyais mes responsabilités et laissais tout le monde dans la merde.

Bien que décontenancé, Fred était partant.
N’essayant même pas de discuter la bêtise de ma nouvelle obsession.
Depuis le temps, il était habitué à mes conneries.
Il prit tout à sa charge.
Mon meilleur ami.

Fred m’envoya une première fournée de musiques.
C’était prometteur et bien plus élaboré que les trois accords pouilleux que j’avais l’habitude de boucler sur un rythme ternaire.
Mais bon, j’etais un camé.
Aucun sens de la réalité.
Je considérais tout ça avec dédain.
« Mouais, c’est pas trop mal »
Je m’en foutais.
Je sortais avec Stéphane.
Je sortais avec ma meute.
le reste, pfffffff, par-dessus le melon.

Je fis tout de même le suprême effort de coucher sur papier trois ou quatre couplets histoire de dire que j’avais collaboré un minimum.
Tartinant sur le thème déjà abordé dans la chanson « Toute ta vie, tu n’as été qu’un gros impuissant » – album « Suicide à Samoëns » -.
La nécrophilie
Ou bien, le « porno-zombie ».
Ca me faisait marrer.

Pour maintenir la tradition, Fred proposa de finaliser l’album dans une nouvelle résidence, une maison acquise par ses parents sur Poncey, Bourgogne.
Ils voulaient ouvrir un gîte.
Les baby-boomers avec leurs placements financiers à la con.
Regardez où ça nous a menés.
Ils sont contents maintenant, hein, les vieux ?
Bande d’inconscients égoïstes !
Oh, sans rancune.
On va vous bouffer  !
Finalement, vous allez enfin pouvoir servir à quelque chose.

J’acceptais sans grand entrain, voyant à regret des occasions de se secouer la nouille se dissoudre.
Merde alors, j’en tremblais déjà à l’idée du manque engendré.

Je m’y suis rendu les mains dans les poches.
Vraiment rien à foutre.
Fred avait installé notre studio mobile sous les combles.
J’attendais les instructions.
Indifférent.

La maison était sympatoche, avec les poutres apparentes et les murs en pierre de taille, entourée de vignobles.
On s’est dit qu’on pourrait acheter quelques bouteilles de rouge et de blanc, histoire de se mettre en condition.
On a eu qu’à traverser la cour et frapper chez les voisins producteurs.
Ça, pour ne pas être cher, d’accord.
Mais quelle erreur !
De la pisse, de la putain de pisse, une vraie cochonnerie !
Ça partait super mal cette session.
Et je n’y mettais vraiment pas du mien non plus.
Une sorte d’énergie flasque.

Émilie était de la partie, ainsi qu’un copain parisien : Franck.
Un de nos deux fans (l’autre, il est là, voir texte “le Fan”).
Webmaster, Franck avait codé laborieusement un site web pour vendre nos productions.
D’aucune utilité évidemment son site.
On n’a jamais rien vendu.
Qu’est-ce que Franck foutait avec nous ?
Il savait faire cuire les saucisses au barbecue comme personne.
Il allait s’en dire qu’il était de loin le plus talentueux de nous quatre.
En comparaison, un putain de génie.

Le meilleur moment de la journée était lorsqu’on partait en balade dans les vignes, histoire de se rafraîchir les idées.
On prenait des photos, on dissertait sur le thème des chansons, on se demandait ce qu’on allait bouffer le soir ou regarder à la téloche…
c’était bien agréable finalement.
La glandouille.

On avançait pépère et seul Fred semblait prêter de l’importance à ce que nous enregistrions.
« Bon allez, si on s’y mettait maintenant ? » qu’il faisait, essayant de dynamiser l’ensemble.
Du vrai leadership anémique.
Y’a pas à dire, sans lui, on aurait passé notre temps à enfourner les merguez merveilleusement grillées par Franck le prodige et rien d’autre.

On a fait ce que l’on a pu, poser des guitares, des basses et des voix.
Et puis on a tout remballé.
Ça allait bien comme ça.
Les clubs m’attendaient sur Cork.
On s’est dit au revoir, à la prochaine.

N’ayant encore pas la moindre idée qu’il allait falloir attendre 6 longues années avant que Fred et moi enregistrions à nouveau ensembles.

FIN

 

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