Le Fan

Année: 2004
Album: Donna – Live au Pop In [2004]
Auteur: Olivier Larvor (intro) + Gab (le texte)
Résumé: Il y en a au moins un.

Je suis à peu près convaincu que si vous composez une chanson, vous trouverez toujours quelqu’un, n’importe où, pour l’aimer.
Votre petite-amie
Votre belle-mère.
Votre patron
Ca aura beau être la pire des merdes mal branlée, il y en aura toujours un pour vous dire : »Wow !! C’est génial ! ».
Croyez-moi, un enthousiaste existe quelque part
Ceci nous amène donc à notre fan le plus virulent.
Car n’imaginez pas une seconde que ça se bouscule au portillon.
Des fans, on en a deux.
Et parmi ces deux, il y a un fou furieux.
C’est pas aberrant non plus.
Vu ce que l’on produit, un toc-toc, c’est un moindre mal.

Remarquez, je ne l’ai jamais rencontré, hein.
Manquerait plus que je m’abaisse à ça.
Bon, j’imagine forcément le Parisien branchouille dépressif à souhait.
Pas de surprise.
Notre niche de marché qui manque sacrément de nichons, putain !
Je peux vous dire qu’on est tombé des nues lorsqu’il nous a envoyé une copie de son article posté sur le webzine « Le Cargo » (www.lecargo.org).
Un bon pavé reprenant l’essentiel de nos productions et narrant son expérience personnelle à leur rencontre.
On s’est dit :”Genial ! On a notre stalker comme dans Flight of the Conchords !”

C’est assez fascinant de discerner ses efforts improbables pour essayer de décoder, de trouver un sens à nos virages musicaux.
Déjà que nous, déjà, on n’en pas la moindre idée.
Alors ?
Un toc-toc.

Evidemment, sa démarche nous flattait, mais on ne pouvait s’empêcher de nous demander : »Il n’a rien d’autre à faire, ce taré ? ».

La fin de son article nous fout quand même les pétoches, semblant nous dicter d’arrêter les chorales alors que justement on avait fait appel au « Choeur des Ivrognes Grivrotins » sur l’album les Amants de Poncey.
Vous pensez que c’est le genre de type qui sort son gun si on lui refuse son autographe ?

Hein, le toc-toc, oui toi,  vu que t’es le seul qui va lire ce texte, tu vas nous flinguer, dis ?

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« I wish I didn’t fear the fall »

Auteur : GAB
Webzine : Le Cargo
Lien: http://www.lecargo.org/spip/donna/171;_i_wish_i_didn-t_fear_the_fall_187;/zooms-3221.html
Date : 05/04/2006

Un titre de circonstance pour un groupe hors-circonstances …détrompez-vous, on ne va pas discutailler de Shannon Wright aujourd’hui (bien que j’aille de ce pas l’ajouter à ma liste des zoomables en puissance), non, on va s’échouer quelques temps sur les rives Donnesques pour une expérience initiatique d’un genre unique.
Prudence oblige, on va commencer par les mises en gardes d’usage. Sachez donc que dans un monde idéal, on n’aurait certes pas peur de la chute mais Donna
perdrait du même coup sa raison d’être ; pire, son fonds de commerce. Et en ces
temps de libéralisme bienheureux est-il de plus grand sacrilège ? Heureusement
nous en sommes bien loin, Shannon Wright nous éblouit de sa noirceur et Donna
de ses concept-albums … âmes sensibles s’abstenir.

 

idéal


Mais commençons par le début, on découvre Donna en 2001 au milieu d’une compilation de petits groupes indés français (le notcd), au beau milieu d’une dépression caractérisée, soit dans les meilleures conditions qui soient. Un contexte idéal donc pour un morceau comme « les voyages » qui par sa tension musicale et son chant poignant ne pouvait que sortir du lot, et par ses répétitions dépressives (« je n’serai pas capable ») que toucher le mélancolique qui ne sommeille pas toujours en nous. Deux morceaux sur cette compilation qui
rivalisent de gaieté sur des sujets aussi porteurs que la relation conflictuelle
-voire l’incapacité- au travail (« les voyages ») et l’hôpital, ses odeurs et
l’écoeurement induit (« l’hôpital »). Le tout sur des musiques répétitives
captivantes et un chant au timbre dominique aiesque (la ressemblance est troublante) très parlé, doux dans la prononciation, terrible dans la description narrative sur « l’hôpital » notamment, à la limite du supportable pour des personnes ayant vécu ça de près (comme nous, vous pouvez tester sur votre entourage), à la limite de l’extase pour le dépressif en puissance (comme nous, vous pouvez tester sur vous-même). Cela intrigue, c’est le moins qu’on puisse dire … on imagine un album entier comme ça et notre pouls s’accélère … on contacte donc le groupe sans plus tarder pour se procurer un peu plus de matériaux et chose peu commune, on se voit répondre « non » … « on ne vend plus l’album en question car il y en a un nouveau qui sort incessamment sous peu, patience » (rapporté de mémoire).
On n’a pas trop le choix, on ravale notre contrariété et on attend …

 

la mort

… pas longtemps en réalité … arrive bientôt un album sobrement intitulé La mort. Et quelle mort ! Un album concept entier sur ce thème avec toujours ces musiques répétitives si caractéristiques à base d’arpèges doux de guitare, de petits bruits de fond, de cordes entêtantes (« en finir ») ou de quelques notes de piano (« la mise en terre »), et ces chants plus ou moins parlés, espacés, doux toujours mais qui s’éloignent du phrasé de Dominique A. pour trouver leur voie personnelle. Le contraste chant / paroles est à son comble, rendant d’autant plus poignant le contenu … on s’imagine très bien à l’enterrement, parlant tout bas pour respecter la douleur des proches, l’ambiance solennelle et quand un membre de l’assistance craque cela ne se traduit ni dans le chant, ni dans les paroles mais dans la guitare accompagnatrice qui pleure et part en vrille (« nos
parents ») … et encore on ne vous parle pas de l’harmonica déchirant. C’est
tendu, beau et criant de vérité. Les paroles, quant à elles, reviennent de
morceau en morceau, « on n’voulait surtout pas mourir » … et on fait le tour
du cimetière : la mise en terre, la peur de la perte des souvenirs, la gestion
de la douleur, les paroles imprononçables, l’identification et le renvoi à sa
propre mort (qu’on ne peut anticiper ni devancer), sans oublier les fantômes qui
reviennent nous hanter d’une voix spectrale en fin d’album (« il ne reste plus
rien de nous »). Même le chat, tel un vieil asmathique, semble sur le point de
rendre son dernier souffle (« agonie animale »). Et toujours cette ambiance de
recueillement, « on n’voulait surtout pas mourir » … « Surtout pas mourir »

 

mon dieu


Après un tel coup de maître on pouvait s’attendre à tout mais Donna
réussit tout de même à nous surprendre complétement avec Les Musiques Sacrées de St-Aygulf, un album mystique, recueil de psaumes décalés, tellement vrai de chrétienté qu’il ne peut qu’être pris au second degré … et pourtant le doute s’immisce (jusqu’à ce qu’on lise le résumé de leur label Grand Téton, nous voilà rassuré).
Il faut dire qu’ils poussent là le concept de concept-album (si vous me suivez) un peu plus loin encore dans ses retranchements en partant en retraite à la mer pour enregistrer cet ovni.
Le groupe s’est au passage enrichi de deux membres en plus des deux membres d’origine et c’est sans surprise que l’on constate un étoffement certain des musiques (flûte traversière, violon), on s’éloigne du minimalisme guitaristique jusque là de mise pour s’orienter vers des pièces plus complètes, plus longuement instrumentales aussi, bien dans l’esprit prière catho, très réussies en somme. Les chants se trouvent eux aussi renforcés par des chœurs très inspirés et à propos (« Oh toi mon dieu »).
Toutela force du disque tient dans la crédibilité des morceaux malgré le second
degré, cet espèce d’humour très british, à froid, non ouvertement déclaré, qui
s’étend en filigrane tout au long de la chose. On ne vous cachera pas que
l’écoute de deux morceaux sur le site ne nous avait pas poussé à l’achat du
disque à l’époque (2002) et maintenant qu’on l’a cargotement reçu, on ne va pas
non plus se le repasser en boucle (sauf prise intensive de stupéfiants). La
faute aux chœurs principalement (« Aux cieux tu es mon dieu ») qui nous
rappellent trop notre lointain passé catéchiste, celui-là même qu’on avait
pourtant réussi à laisser en friche loin derrière nous et qui nous rattrape de
façon insolite au détour d’un vernissage cargotien ou dans un album tel que
celui-ci. Finalement on va peut-être suivre les conseils du grand téton et l’offrir à notre tante bonne sœur.
Pour revenir à nos brebis, on ressort de cet album pistes brouillées et décontenancé, c’est plutôt bon signe (mission réussie côté Donna sans aucun doute) … méfiant aussi, vous le seriez à moins … plus qu’à buller jusqu’au suivant … c’est décidé, méfiance à part, on ne sera surpris de rien …

 

Martine

Mais Donna c’est la gentille cousine goth de Martine c’est sûr (la thématique est là, les piercings pas) … après le séjour à la plage, on ne change pas une technique qui gagne, voilà qu’ils remettent ça avec un petit « Donna à la montagne » ; après la retraite spirituelle, voici venir le colloque sur le suicide, nouvelle thématique certes mais retour aux sources surtout, vers ce qu’ils traitent le mieux, la mort et ses périphériques.
Et pour vous montrer à quel point le hasard – ou son compère – se joue de nos destinées (oui, à nous aussi l’auditeur qui doit écouter le résultat de ce genre d’expérience), à peine arrivés sur place voilà qu’ils apprennent le suicide du chef Bernard Loiseau, de quoi donner du relief à l’œuvre en gestation.
Côté musique ce Suicide à Samoëns (2003) continue sur la lancée de l’album précédent avec cependant des morceaux nettement plus courts, et côté chants on remet une couche chargée de chœurs, hélas … car si ceux-ci alimentent très bien le second degré, ils compromettent sérieusement la digestion de l’album (ne parlons même pas d’une réécoute).
Et plus on avance dans l’album plus le delirium musical rivalise avec le foutoir chanté, c’est un genre en soi c’est sûr, on s’amuse bien aussi, mais au final on n’identifie qu’une poignée de morceaux à vraiment bien tirer leur épingle du jeu et plutôt en fin d’album d’ailleurs.
« Cool, Totalement cool ! » tout d’abord (repris de l’album La Mort, lui-même apparemment repris d’une œuvre précédente du groupe) avec ses chœurs sérieux et écoutables, son rythme lancinant qui fait forte impression et, malgré une fin quelque peu caricaturale, on se verrait bien le repasser régulièrement. « Toute ta vie, tu n’as été qu’un gros impuissant » ensuite, morceau fantastique, totalement barré dans l’esprit et dans les paroles (« – (femme) tu es mort – (homme) et je bande encore – (femme) baise-moi alors … une dernière fois »), sur une musique délicate, un dernier plaisir post-mortem pour clore l’album en beauté.
Dommage que le disque en entier ne soit pas de ce tonneau-là, irrévérencieux et affolé tout en restant cadré (mais est-on bien clair là ?).
On parlait de clore l’album mais chez Donna comme dans la vie (paraît-il), il y a une récompense après la mort. Et l’après-vie chez eux se déguste sous forme de dernière piste making of / scènes de vie (la mémoire qui quitte son enveloppe corporelle ?) mais est-ce bien nécessaire d’en parler finalement … allez, oui pour son final en superbe morceau feu de camp hommage à Bernard Loiseau et on
ne peut décemment pas laisser passer un tel moment d’anthologie, mais il faut le
mériter, vous êtes prévenus … Maintenant pour la note réellement positive, car
il y a bien une palme à distribuer à cet album – outre celle déjà jolie de faire
l’apologie éhontée du suicide -, c’est celle sans conteste des titres de morceaux
les plus inventifs. On aurait bien du mal d’ailleurs à en trouver un au-dessus
du lot, bien que « la ballade désuète des ratés maintenant suicidés » ait une
saveur particulière à nos oreilles.

 

la cène

Si les orientations Donnesques décrites ci-dessus atteignent des limites somme toute compréhensibles sur disque, on entrevoit cependant un très fort potentiel (s)cénique. Et autant sur la première période Donna, on eut sûrement été quelque peu inquiet à l’idée de les voir présents en chair et en os devant nous, autant au vu de ces deux derniers albums, c’est avec une joie non dissimulée qu’on se rend au pop in en ce froid décembre 2004 pour une soirée Grand Téton
& co.
Joie d’autant plus forte que Donna se fait extrêmement rare sur scène (un des membres historiques résidant en Irlande) et que dès notre arrivée dans la petite cave du pop in, tout flaire bon le concert mythique avec un décor fait maison, des
photos du Grand Téton (la montagne cette fois), de Bernard Loiseau et d’Olivier
Larvor qui nous parle par bande son interposée pour nous expliquer
tranquillement qu’étant en Irlande, il ne peut faire le déplacement juste pour
la soirée mais qu’on en aura quand même pour notre argent (ndlr : entrée libre)
puisqu’il va enregistrer les morceaux dans « les conditions du direct » et que
ses acolytes sur scène vont l’accompagner comme s’il était là. Ca commence bien.
Le reste est à la hauteur de ce départ et de notre attente, plus le concert avance plus notre humeur devient joyeuse, l’humour décalé des albums s’impose
(le toujours superbe hommage à Bernard Loiseau), le jeu de scène aussi avec Frédéric Dufourd (l’autre membre historique) qui finit par terre et des intervenants de qualité (une trompette qui se balade dans le public). On ne peut guère rentrer dans les détails plus d’un an après l’événement mais deux choses sont sures, d’une on en est sorti avec le sourire jusqu’aux oreilles et une pêche impressionnante, de deux on en reparlera encore longtemps dans les chaumières de celui-ci (prévenons tout de suite nos futurs petits enfants).

 

période

L’expérience initiatique s’achève, espérons qu’il en sera de même
de la période choriste délirante (les meilleures choses ont une fin, si si) et
que pour l’album actuellement en préparation, ils nous emmèneront voguer vers de nouvelles contrées non encore explorées. Pas qu’on s’inquiète spécialement non plus, ils nous l’ont à maintes reprises démontré, ils ont de la ressource les
bougres …

 

FIN

 

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